Dans l’assiette, les poissons dessinent une nature morte nimbée de vapeur parfumée, évoquant des bateaux échoués dans une mer huileuse et orangée. Au départ, la bouillabaisse était une soupe que les pêcheurs préparaient à la va-vite sur le pont du bateau, au retour de la marée, avec les poissons abîmés dont ils étaient certains qu’ils ne trouveraient pas d’acheteurs sur le port. Ils étaient cuits dans de l’eau de mer et aromatisés avec les modestes ingrédients qui se trouvaient à bord. « Bouï abaisso ! » (« Quand ça bout, tu baisses ! » en provençal). Ce plat calmait la faim en attisant le feu de la camaraderie entre pêcheurs ! Marseille, la grande ville, a fait sienne la notoriété du plat de tous les marins de Provence. Dans Fanny, Pagnol écrivait : « Dans le monde entier, tout le monde croit que les Marseillais (…) se nourrissent de bouillabaisse et d’aïoli, en disant “bagasse” toute la journée. »
Sur le Vieux-Port, on s’écharpe sur la nature et le nombre de poissons qu’il convient d’y inclure. Ainsi, le chef Jean-Baptiste Reboul citait une quarantaine d’espèces dont le crabe et la langouste… La liste fut réduite à sept (rascasse, vive, merlan, congre, saint-pierre, lotte et daurade) et gravée dans le marbre d’une charte que l’on s’empressa… de ne pas respecter !
Raymond Vial est octogénaire et jamais très loin de ses feux de bois, sur lesquels cuisent ses bouillabaisses légendaires. Depuis plus de 60 ans, l’adresse, autrefois simple paillotte de saison sur la plage Saint-Clair, au Lavandou, ne désemplit pas. Sans forfanterie – même si le timbre de voix porte dans toute la salle –, Raymond affirme que sa bouillabaisse est la plus fidèle à celle des pêcheurs d’autrefois.
Boulevard de la Baleine,
83980 Le Lavandou
Entre le restaurant de Ludovic Turac, sur le Vieux-Port, et les quelques pêcheurs qui le fournissent dès leur arrivée à quai, il n’y a pas 200 mètres. Le chef étoilé ne peut rêver de poissons plus frais. « Et de saison ! » insiste-t-il. Sa bouillabaisse en est le reflet, à la fois épurée (réduite à trois, deux voire un seul poisson, selon la pêche) et gastronomique.
2 quai du Port, 13002 Marseille
Depuis 2010, installée entre Marseille et Sète, cette entreprise artisanale met la bouillabaisse en conserve. Dans cette famille de pêcheurs depuis plusieurs générations, on sait ce qu’est le beau poisson. C’est l’un des secrets de leur recette qui contient des encornets, de la vive, du congre et de la queue de lotte. Pour l’apprécier, surtout ne la faites pas bouillir !
En vente dans les grandes surfaces, épiceries fines et sur place. Zone industrielle, presqu’île du Mazet, route de Carteau, 13230 Port-Saint-Louis-du-Rhône. Du lundi au vendredi, 8 h-12 h, 14 h-17 h (ferrignosa.com)
