Blanc comme neige : le Jardin aux Oiseaux de Raymond Mazerolas

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Sur son terrain de la banlieue de Limoges, Raymond Mazerolas a créé lJardin aux oiseaux, autant pour son plaisir que pour le bien-être de ses nombreux visiteurs ailés. Qui en profitent aussi, tout comme leur hôte, en plein hiver.
Un article de
Omar Mahdi

Quand la neige daigne tomber, elle enveloppe tout dans son épais manteau blanc. Ce qui fait penser à certains jardiniers qu’il ne sert à rien de s’entêter au jardin en hiver et qu’il ne reste plus qu’à attendre le printemps. Raymond Mazerolas ne fait assurément pas partie de cette catégorie. Pourquoi ? La réponse est probablement à aller chercher du côté de la genèse de son jardin.

Nous sommes en 2000. À Couzeix, une petite ville de l’agglomération de Limoges, Raymond décide de créer son jardin. Pour quelqu’un comme lui qui a travaillé dans les arts graphiques, amoureux des couleurs mais aussi des effets de texture, le cahier des charges comportait un large volet esthétique, combiné évidemment à sa passion pour le végétal. Sur un peu moins de 3 000 m2, il va alors planter un bon millier d’espèces d’arbres, d’arbustes et de vivaces qui occupent l’espace mais aussi le temps. En effet, si à la période « reine » du jardin, soit entre mai et juin, les rosiers, qu’ils soient buissonnants, grimpants ou lianes, règnent presque sans partage, Raymond a fait en sorte que, selon la saison, floraisons, feuillages puis écorces se partagent le travail et veillent à colorer les lieux. Notamment en hiver, cette saison qu’on dit mauvaise mais qui ne saurait priver un jardinier comme lui de trois mois de plaisir ! Certains végétaux sont particulièrement aptes à cette tâche, comme le Parrotia persica ‘Vanessa’ avec ses feuilles brun ocre qui résistent longtemps avant de s’exfolier joliment pour laisser apparaître de belles teintes grises et brun-rouge. L’écorce du cerisier du Tibet, quant à elle, décline une palette de teintes spectaculaires allant de l’acajou brillant au caramel qui illuminent les massifs dépouillés de leurs floraisons.

L’autre ligne directrice du jardin, dès sa conception, tenait à l’amour que Raymond porte aux oiseaux. « Je n’imaginais pas que le mien puisse être vide d’oiseaux, confirme-t-il. Depuis que je suis enfant, j’adore les observer. » C’était donc une évidence pour lui de leur aménager un lieu propice à leur habitat et qui leur fournirait en outre de quoi se restaurer, notamment en hiver et d’autant plus dans un secteur urbanisé pas forcément accueillant pour eux. Nichoirs et mangeoires se sont alors mis à essaimer un peu partout dans les zones aux ambiances différentes qui composent son jardin. Il faut dire que pour Raymond, qui est issu d’une famille de tuiliers, mettre les mains dans l’argile était tout sauf une incongruité ! Une fois réalisés, il a veillé à ne pas installer les nichoirs trop proches les uns des autres pour éviter les conflits de territoire. Les mangeoires sont également disséminées un peu partout. Des boules de graisse y sont suspendues, ainsi que des cylindres remplis de fruits
ou d’insectes. En connaisseur, Raymond conseille cependant de ne jamais nourrir les oiseaux trop tôt dans la saison. « Sinon, on les rend un peu dépendants de nous et ils perdent leur capacité à se débrouiller seuls. »

Aucun risque chez notre jardinier, qui a pris soin de planter des essences qui donnent des baies correspondant aux goûts, parfois un peu difficiles, de ses visiteurs. Chez lui, on trouve logiquement des viornes, car tous les oiseaux les aiment. Elles sont accompagnées de sorbiers, de sureaux, de houx, d’amélanchiers, d’aubépines, de pommiers d’ornement. « J’ai aussi installé des points d’eau, indispensables en toute saison, pour qu’ils puissent boire et faire leur toilette. » Cerise sur le gâteau, les fruits écarlates de la viorne obier sont  non seulement nutritifs, mais aussi très décoratifs. Tout comme les fruits originaux des fusains, souvent appelés « bonnets d’évêque », l’un des mets préférés des rouges-gorges. Sans oublier les Malus, aussi précieux pour les oiseaux – « Un jour, j’ai vu pas moins de 11 merles en train de manger en même temps sur un ‘Golden hornet”! » – qu’intéressants au jardin avec leurs fruits qui restent en place jusqu’à assez tard en hiver. 

Joignant l’utile et le beau, le Jardin aux oiseaux est une leçon de sciences naturelles en immersion totale… 

Couleurs de saison

Derrière la haie de charmille saupoudrée de neige se dressent deux liquidambars. ‘Worplesdon’, à gauche, plus précoce, s’est un peu dénudé, mais ses fruits font le régal des chardonnerets. Quant à son compère ‘Black Beauty’, il fait de la résistance ! Avant de virer au pourpre foncé, ses feuilles illuminent le jardin de leur rouge orangé flamboyant.

Recyclage malin

Vous ne savez plus quoi faire de vos vieilles louches ? Transformez-les en pots suspendus pour accueillir, comme ici, tout un tas de petits sedums non gélifs. Accrochées à une chaîne dénichée sur une brocante, elles forment une guirlande originale.

Gîte et couvert

Si l’abri à bois accueille logiquement des bûches bien utiles en cette saison, on remarque également sur sa façade plusieurs nichoirs en terre cuite, que Raymond a confectionnés lui-même. Leurs habitants peuvent, s’ils le souhaitent, se délecter des cynorhodons que le rosier liane ‘Wedding Day’ qui grimpe sur la gauche de l’abri ne manquera pas de leur procurer.

Bienvenue

Que vous soyez visiteurs ou oiseaux, pas de doute, vous êtes au bon endroit ! Les premiers en prendront plein les yeux, même en hiver, grâce aux feuillages persistants. Les seconds trouveront où dormir et auront le choix entre différents menus proposés par les sorbiers, les sureaux, les amélanchiers, les aubépines et autres pommiers d’ornement.

À table

Les verdiers sont des habitués de la campagne mais aussi des zones plus urbanisées. Celui-ci vient se régaler d’un mélange de graines de tournesol placé dans une des mangeoires disséminées dans le jardin. Celle-ci, une fois n’est pas coutume, Raymond ne l’a pas construite lui-même. Il l’a en revanche fixée sur un piquet pour plus de stabilité.

Perspective

Sur le prunier, à gauche, grimpe un rosier aux très gros et très beaux fruits orangés qui ravissent les affamés hivernaux. À droite, un érable ‘Sango Kaku’ dont les extrémités commencent à rosir. Au centre, une sorcière en argile est posée sur une vieille souche dont les racines noueuses lui servent de jambes. Entre les deux, un chemin part en sinuant vers le rideau de bambous qui offre un fond vert du meilleur effet, permettant à cette scène de ressortir même quand la neige en aplatit un peu la perception.

Pour tous les goûts

Les chatons de noisetier en dormance n’intéressent pas les oiseaux. Mais beaucoup plus les écureuils, qui devront néanmoins attendre un peu avant de se régaler des noisettes, entre la mi-août et novembre de l’année prochaine.

Strip-tease

L’écorce du cerisier du Tibet (Prunus serrula, à ne pas confondre avec P. serrulata, le cerisier du Japon) est un enchantement, notamment en hiver. Sa couleur acajou brillante est immanquable au jardin durant cette saison, d’autant plus si la neige est au rendez-vous. L’arbuste s’exfolie en longues lanières que la lumière traverse parfois, rendant sa teinte unique encore plus spectaculaire.

Baie multi-fonctions

Vous voulez illuminer le jardin grâce à des mini-ampoules rouge vif ? Les baies de la viorne obier, plantée en haie comme en massif, se prêtent parfaitement à l’exercice. Vous préférez gâter vos visiteurs ailés en leur proposant un mets de choix ? Ne changez rien, elles sont parfaites pour ça aussi ! En revanche, malgré leur couleur attirante, elles sont toxiques pour l’homme.

Mangeoires maison

En 2005, Raymond Mazerolas s’était mis à confectionner lui-même des nichoirs afin de compléter l’« offre hôtelière » proposée par les nombreux arbres, arbustes et haies du jardin. Cela ne lui a pas vraiment posé de difficultés, car il est issu d’une famille de tuiliers. Aujourd’hui, s’il a arrêté de travailler l’argile, il fabrique toujours des mangeoires et des nichoirs, mais en bois.

Glace à tous les étages

Devant un grand chêne des marais, un chêne commun, âgé d’une quarantaine d’années, a été taillé en plateaux – il en compte désormais une douzaine. Tout en transparence, il laisse apparaître un grand mobile coloré qui tournait avec le vent. Raymond l’a depuis enlevé, veillant ainsi à éviter toute monotonie dans un jardin en mouvement perpétuel.

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Crédit photo :
Virginie Quéant / Greenfortwo Media
Article paru dans le n°
14
du magazine.

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