5 questions à… Didier Willery, auteur-photographe-jardinier

Rencontre
Il ne cultive pas, il écoute pousser son jardin. Sa méthode « paresseuse », sans engrais ni arrosage, a transformé 2 400 m2 dans le Pas-de-Calais en paradis.
Un article de
Aliette de Crozet

Peut-on dire qu’on traite aujourd’hui les plantes comme des animaux de compagnie ?

Nous les avons sélectionnées une par une, hybridées, domestiquées et isolées de leur compagnie végétale : elles sont devenues plus productives, plus goûteuses, mais aussi plus fragiles et dépendantes de nos soins constants. Dans la nature, arbustes, fougères, vivaces d’ici ou d’ailleurs, ornementales et comestibles, poussent ensemble. Elles s’imbriquent dans des écosystèmes évoluant dans l’espace et le temps.
Et c’est cela, le fait d’appartenir à une communauté végétale, qui leur permet de résister à la sécheresse, aux inondations, au vent… En d’autres termes, c’est le massif qui est résilient, pas la plante individuelle.

Contrastant avec son abondance botanique, le jardin de Didier Willery affirme un tracé déterminé.

Vous avez été responsable botanique du Vasterival pendant quinze ans. Que vous a appris cette expérience ?

Ces douze hectares de sous-bois en bord de mer abritent 8 500 espèces et variétés de plantes, dont 700 sortes de rhododendrons. Chacune a ses besoins propres : une terre plus ou moins sablonneuse, une situation exposée au vent ou pas, avec beaucoup d’humidité ou au contraire un sol bien drainé. Chaque rhododendron a ses préférences… J’ai pris conscience des subtilités de la diversité végétale, et que tout compte : la composition du sol, l’ombrage, l’entourage. Il y a un endroit pour chaque plante, et une plante pour chaque endroit.

À l’abri des sachets de papier paraffiné, les grappes de raisin mûrissent sans craindre ni insectes ni frimas.


Ni arrosage ni engrais : à quoi se résume alors le rôle du jardinier ?

Il arbitre. Le jardinier doit faire confiance à la nature et observer les événements qui se mettent en place sans lui. S’il le faut, il pratique de petites interventions régulières. Le naturel n’est pas l’état sauvage, j’applique les règles du paysage pour préserver l’harmonie et l’élégance de mon jardin. Mais par exemple, si j’arrache les pissenlits, dont les racines aèrent une terre très tassée, il faudra que je bêche le sol : est-ce bien nécessaire ? Les jardiniers paresseux sont des jardiniers résilients.

A-t-on oublié le rôle des racines ?

Oui. Autrefois, on achetait les plantes dans des pépinières de pleine terre, on les transplantait en arrachant une partie de leurs radicelles qui se reformaient peu à peu. Aujourd’hui, pour les jardineries, des machines sèment et repiquent les plants dans des pots, sans intervention humaine. Leurs racines s’entortillent, et une fois plantées, elles ne parviennent pas à s’extirper de ces sacs de nœuds pour explorer la pleine terre. Leur enracinement est superficiel, la plante incapable de résister aux aléas climatiques. Je ne suis d’ailleurs pas partisan des trous de plantation : on sait bien que les glands du chêne n’en ont pas besoin.

Autour du poulailler, un vieux poirier ‘Comtesse de Paris’ se déploie entre les buis
sur un tapis de consoudes et de carex dorés.


Les potagers, dites-vous, vous ennuient…

Les plantes ne se disposent pas comme les timbres d’un album. Alors, oui, il faut marier comestibles vivaces, pérennes, et ornementales, et apprendre aussi à repérer d’autres comestibles que celles que l’on connaît. Il existe une multitude de plantes belles et savoureuses qui poussent presque toutes seules. Je ne crois pas qu’un jardin de particulier puisse fournir une autonomie alimentaire, à moins d’y passer ses journées, mais on peut récolter au jardin comme on pratique la cueillette sauvage.

Son parcours

Après un BTS horticole, Didier Willery a eu « la chance d’être embauché par un pépiniériste génial », Jean-Pierre Hennebelle, autodidacte et collectionneur. Sa seconde belle rencontre : la princesse Greta Sturdza, créatrice des jardins de Vasterival, près de Dieppe. Il sera quinze ans responsable des jardins, dont il assurera la succession après son décès, à sa demande. Dès 1997, il publie des livres et est aujourd’hui responsable éditorial chez Ulmer. Son dernier livre, Créer son jardin résilient, résume plus de 40 ans d’observations visant à imiter les mécanismes de la nature et les transposer au jardin.

Après un BTS horticole, Didier Willery a eu « la chance d’être embauché par un pépiniériste génial », Jean-Pierre Hennebelle, autodidacte et collectionneur. Sa seconde belle rencontre : la princesse Greta Sturdza, créatrice des jardins de Vasterival, près de Dieppe. Il sera quinze ans responsable des jardins, dont il assurera la succession après son décès, à sa demande. Dès 1997, il publie des livres et est aujourd’hui responsable éditorial chez Ulmer. Son dernier livre, Créer son jardin résilient, résume plus de 40 ans d’observations visant à imiter les mécanismes de la nature et les transposer au jardin.

En savoir plus
Crédit photo :
@ DIDIER WILLERY
Article paru dans le n°
17
du magazine.

Découvrez d'autres articles sur le sujet

No items found.